Paul Guillon - Images et poésie - Anthologie personnelle - Valérie Rouzeau
ANTHOLOGIE

Valérie Rouzeau

 

Extraits :

Ce n’est pas quand nous cessons de parler ni même toi qui ne dis plus rien ton silence.
Ce n’est pas tous les trains partis les mouchoirs tout blancs sur les quais.
Plutôt ce qui les fait valser.
L’air jamais joué jamais stoppé.
Maintenant les clairons les violons sont à toi.
Et les mouchoirs tout blancs comme s'ils savaient des bouts d’éternité.
Des morceaux de musique.

 

 

Sur le toit de l’hospice au-dessus de nos têtes un homme siffle turc et bosse, mon amant de saint jean qu’il dans l'air échafaude.
Ça monte-t-il jusqu’à toi comme un trait lumineux aperçu de toi seul ?
Toi qui as toute ta vie si sifflé dure- ment turbiné et quelquefois pleuré tout ensemble mon père.

 

 

Le camion rutilant dort dans les pissenlits, mes frères se parlent doucement dehors avant la nuit.
Leurs mots disent des chiffres ou des étoiles, engueulent un chien et se re- prennent.
Ils ont des aigrettes soufflées à leurs cheveux, des traits de cambouis sur la joue et le front.
Lorsqu’ils remontent côte à côte, la route est juste assez large pour eux, et ils se taisent.

 

© Pas revoir, L’Idée bleue, 1999.

 

Biographie : Valérie Rouzeau est née le 22 août 1967 à Cosne-sur-Loire, dans la Nièvre, dans une famille de récupérateurs. Titulaire d’une maîtrise de traduction littéraire anglaise, elle a le très rare privilège – qui est aussi un choix courageux – de vivre de la poésie : elle écrit, traduit des poèmes (notamment Sylvia Plath et William Carlos Williams), donne des lectures publiques et des lectures radiophoniques, vogue de rencontres en ateliers dans des établissements scolaires. Elle connaît le succès avec Pas revoir, en 1999, qui évoque la disparition de son père. L’ouvrage est maintes fois réédité et aujourd’hui publié en collection de poche. Depuis, elle bénéficie de bourses et de résidences dans différents centres culturels.
Voix qui compte singulièrement dans la poésie francophone d’aujourd’hui, Valérie Rouzeau invente une langue en jouant avec gravité avec elle, juxtaposant expressions toutes faites et mots d’enfants, métaphores puissantes et onomatopées. Tendresse et révolte sont portées par la vague d’un rythme tout à la fois syncopé et chaloupé, saisies dans de petits poèmes ramassés, d'une liberté étonnamment maîtrisée.
Elle est le seul poète de sa génération à recueillir une telle audience parmi ses pairs et surtout bien au-delà. Elle a même écrit quelques chansons pour le groupe Indochine.

 

Bibliographie poétique sélective :
- Pas revoir suivi de Neige rien, La Table ronde, coll. La petite vermillon, 2010 (rédition de deux recueils de 1999 et 2000).
- Quand je me deux, Le Temps qu’il fait, 2009.
- Mange-matin, L’Idée bleue, coll. Le Farfadet bleu, 2008.
- Va où, Le Temps qu’il fait, 2002.
- Petits poèmes sans gravité, Prix de la Crypte 1991, La Crypte, 1991.
- Je trouverai le titre après, Chambelland, 1989.

 

Lien : - L’auteur dit ses poèmes dans les pages culture du site du journal Libération.

Accueil - Poèmes - Traductions - Anthologie contemporaine
Publications - Itinéraire - Contacts - Liens