Ce n’est pas quand nous cessons de parler ni même toi
qui ne dis plus rien ton silence.
Ce n’est pas tous les trains partis les mouchoirs tout
blancs sur les quais.
Plutôt ce qui les fait valser.
L’air jamais joué jamais stoppé.
Maintenant les clairons les violons sont à
toi.
Et les mouchoirs tout blancs comme s'ils savaient des bouts
d’éternité.
Des morceaux de musique.
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Sur le toit de l’hospice au-dessus de nos têtes un
homme siffle turc et bosse, mon amant de saint jean qu’il dans l'air échafaude.
Ça monte-t-il jusqu’à toi comme un trait
lumineux aperçu de toi seul ?
Toi qui as toute ta vie si sifflé dure- ment
turbiné et quelquefois pleuré tout ensemble mon père.
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Le camion rutilant dort dans les pissenlits, mes
frères se parlent doucement dehors avant la nuit.
Leurs mots disent des chiffres ou des étoiles,
engueulent un chien et se re- prennent.
Ils ont des aigrettes soufflées à leurs
cheveux, des traits de cambouis sur la joue et le front.
Lorsqu’ils remontent côte à côte, la
route est juste assez large pour eux, et ils se taisent.
© Pas revoir, L’Idée bleue, 1999. |
Biographie :
Valérie Rouzeau est née le 22 août 1967 à Cosne-sur-Loire, dans la Nièvre,
dans une famille de récupérateurs. Titulaire d’une maîtrise de traduction littéraire anglaise,
elle a le très rare privilège – qui est aussi un choix courageux – de vivre de la poésie : elle
écrit, traduit des poèmes (notamment Sylvia Plath et William Carlos Williams), donne des lectures publiques
et des lectures radiophoniques, vogue de rencontres en ateliers dans des établissements scolaires. Elle
connaît le succès avec Pas revoir, en 1999, qui évoque la disparition de son père.
L’ouvrage est maintes fois réédité et aujourd’hui publié en collection de poche. Depuis, elle
bénéficie de bourses et de résidences dans différents centres culturels.
Voix qui compte singulièrement dans la poésie francophone d’aujourd’hui, Valérie Rouzeau invente
une langue en jouant avec gravité avec elle, juxtaposant expressions toutes faites et mots d’enfants,
métaphores puissantes et onomatopées. Tendresse et révolte sont portées par la vague d’un
rythme tout à la fois syncopé et chaloupé, saisies dans de petits poèmes ramassés,
d'une liberté étonnamment maîtrisée.
Elle est le seul poète de sa génération à recueillir une telle audience parmi ses pairs
et surtout bien au-delà. Elle a même écrit quelques chansons pour le groupe Indochine.
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